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Adolf Portmann

Publié en 1960 en langue allemande, traduit en 1961, "la forme animale" a pour auteur Adolf Portmann (1897-1982), directeur de l’Institut de Zoologie de Bâle, figure singulière de la biologie du XXe siècle.



A rebours de la coupure platonicienne/galil éenne  entre le monde sensible, sujet au doute d e la perception, et le monde objectif des lois scientifiques, l’œuvre de Portmann réconcilie l’expression poétique, artistique, et la connaissance scientifique. D’où les notions-clefs d’ «apparence » et d’ «apparaître ». Les animaux n’existent pas seulement d’une manière objective, biologique, ils apparaissent, sous l’infinie diversité des formes visibles qui rencontrent notre perception esthétique. Quelle est alors la finalité de ces apparences souvent très sophistiquées, alors que des effets beaucoup plus réduits auraient très bien fait l’affaire dans une perspective purement utilitariste ? Devant la carence des explications fonctionnalistes, Adolf Portmann avance l’hypothèse  d’une valeur propre de l’apparaître de la vie animale comme de la vie végétale. L’auteur veut montrer la « valeur propre » de l’apparence animale, le fait qu’elle existe pour elle-même, qu’elle ne répond pas à une finalité purement fonctionnelle. Cette morphologie esthétique traduirait une nécessité du vivant : le besoin de l’espèce de manifester sa spécificité à travers un chatoiement de formes « lancées dans le vide ». En quelque sorte, un darwinisme esthétique qui s’exprimerait dans une profusion de formes dont la seule raison d’être serait l’auto-présentation du vivant, irréductible à toute utilité fonctionnelle, mais répondant à une finalité plus fondamentale : comme étant ce pour quoi ces dispositifs visuels ont été formés. Par son analyse détaillée de la morphologie du monde animal, le biologiste retrouve à l’œuvre dans la Nature une des caractéristiques du Beau selon Kant, celle d’être une finalité sans fin, d’atteindre une finalité qu’elle ne cherche pas.

Cette interprétation des  significations des apparences animales, de leur raison d’être, trouve peut-être un début de réponse dans ce commentaire de Maurice Merleau-Ponty : « La vie, ce n’est pas suivant la définition de Bichat, l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort, mais c’est une puissance d’inventer du visible ».

L’auteur  conclut que les structures  d’apparaître du vivant (formes, couleurs) ne sont pas des sous-produits fortuits de l’évolution, mais une « propriété de base la vie ». Par conséquent, le biologiste doit élargir sa conception du vivant, et aller vers une morphologie globale toute goethéenne, qui dépasse la simple conservation/expansion de la vie. Il en veut pour preuve que la création artistique  « a éprouvé depuis toujours, face au caractère étonnant de ces formes animales, quelque chose qui est  parfois ressenti comme une fraternité difficilement saisissable », comme le témoignage d’une intériorité commune à la vie sous toutes ses formes et dont notre sensibilité participe.

Thierry Debourg