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Vienna – Berlin The Art of Two Cities

A travers une collection de 300 œuvres, cette exposition inédite retrace l'histoire des interactions artistiques et intellectuelles qu'entretenaient deux des grandes capitales européennes, de la fin du XIXe siècle aux années 1930. Quarante années

marquées par l'accélération de l'Histoire, de destruction en création, appréhendées au prisme des Sécessions, de l’Expressionnisme, du Dadaïsme et de la Nouvelle Objectivité. Entre convergences et divergences l'exposition retranscrit la dialectique fondatrice de la relation Vienne-Berlin, par une comparaison systématique entre les œuvres. Une dialectique qui se cristallise dans une même volonté, celle de tendre vers la Modernité. Une scénographie inattendue qui juxtapose des artistes berlinois et viennois, des grands noms en côtoient  d’autres moins connus du quidam. Gustav Klimt, Kokoshka, Otto Dix, Max Liebermann, Christian Schad font faces à Hebert Ploberger, Richard Ziegler ou encore Ernst Neuschul.
Cette exposition donne lieu à un catalogue d'une grande qualité publié par la maison Prestel. Grâce à plus de 300 illustrations en couleur, enrichies de textes explicatifs, ce catalogue d'exposition s'attache à montrer le dialogue entre ces deux métropoles, lieux d'une réelle rupture esthétique.

« A chaque âge son art, à chaque art sa liberté »

Les esthétiques berlinoises et viennoises divergent et se répondent. Elles se nourrissent d’une même volonté, celle de se défaire du carcan des dogmes du « beau » classiques, notamment par une abondance de courbes, une forte relation entre le texte et l’image, ajouté à cela une quasi absence de perspective. Une perspective à comprendre au sens littérale et figuré. L’absence de perspective résonne tout à la fois comme un manque de perspectives d’avenir au sens existentiel et comme un contre-pied fait aux règles classiques. C’est aussi une peinture transgressive, une peinture où le sexe et la mort sont ornementés, à la manière de Gustav Klimt, ou exacerbés par un dépouillement des formes, à la façon d'Egon Shiele.

Anticonformistes, ces deux  personnalités esthétiques, créatrices, ont un intérêt réciproque l’une pour l’autre. Cet intérêt se matérialise par de nombreuses interactions et collaborations, alimentant une nébuleuse artistique qui joua un rôle fondamental dans le changement de la vision et de la fonction de l’art dans une Europe en pleine mutation. Nous découvrons une similitude des nouveaux sujets d’expression : la métropole, la vie de la rue, l'orinaire ; mais une manière différente des les sublimer. Quand Berlin s’intéresse à la douceur des beaux arts autrichiens, Vienne s’intrigue de la franche objectivité esthétique de son voisin.

La vision de la femme moderne  est un exemple frappant de ce traitement différencié. A Vienne les portraits de femmes de Christian Schad montrent des visages de porcelaine à l’air fière et confiant. A Berlin, la femme est sublimée de manière plus sombre, plus provocatrice, moins élégante ; c’est la prolétarienne de Rudolph Schlichter. Alors que Berlin s'illustre dans un art qui cultive une gestuelle davantage exaltée et agressive, Vienne se singularise par un style plus raffiné.

Des groupes de la Sécession à la Nouvelle Objectivité on voit une certaine continuité annonciatrice du futur chaos de la Modernité. Comme en atteste la noirceur et la froideur des gravures d'Otto Dix de sa série « The War » ou encore la précarité des corps et l'angoisse existentielle qui ressort des nus et des mains d'Egon Shiele.

L’expérience traumatisante de la guerre mute la destruction humaine en création artistique. Le peintre s’oppose au militaire. L’art devient une arme, renforçant l’interaction des deux métropoles. Tandis que le cinétisme viennois étend son influence sur la métropole du Danube, le mouvement Dada berlinois, initié à Zurich par le poète Tristan Tzara et le peintre Han Arp, se développe en bordure du Spree.   Entre jugement, constat et nihilisme, le mouvement Dadaïste puis le courant de la Nouvelle Objectivité entendent faire table rase de toutes les conventions et tendent à la société d’après guerre un miroir froid, comme pour exorciser le penchant vers l’abîme de l’Homme.

Cette première mondiale consacre l’art comme un signifiant social et politique par excellence. Didactique et visuellement exaltante, cette exposition intégrera à coup sûr l’histoire des grands événements artistiques mondiaux.


Claire Taddei