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L’Esprit Fluxus

« Fluxus se donnait pour but le voyage. Hélas ! C'est devenu un art. » W. de Ridder.


 
Un nom énigmatique pour un courant hors normes, Fluxus apparaît comme une période de créativité des plus difficiles à cerner, tant du point de vue esthétique, qu'idéologique et philosophique.
 
Le catalogue « L'esprit Fluxus » fût édité par les musées de Marseille, lors de l'exposition éponyme au MAC, Galeries contemporaines des musées de Marseille en 1995. Cette édition française revisite le catalogue publié  à l'occasion  de l'exposition « In the Spirit of Fluxus » au Walker Art Center à Minneapolis en 1993.  « L'Esprit Fluxus » retrace l'aventure Fluxus à la lumière des enjeux culturels contemporains. Ce livre, unique en son genre,  en s'appuyant sur les expositions antérieures, de 1993 à 1995, décrypte, avec une grande finesse d'analyse, la complexité originelle de ce moment créatif.
Qualifié de « mouvement expérimental artistique le plus extrême des années 60 », George Maciunas,  galeriste  et éditeur, fût à l'origine de ce terme et de son armature théorique. Il assignait à ce courant artistique  marginal le devoir de saper le rôle traditionnel de l'art et de l'artiste.

Par cette posture, Fluxus alimenta le questionnement naissant sur le statut de l’œuvre d'art, le rôle de l'artiste ou encore la place de l'art dans la société. Cet esprit anticonformiste se formalisait par la volonté de court-circuiter le musée et le marché de l'art. L'ambition était de rendre l'art à la vie, d' « ordinariser » l'art, selon l'expression du sociologue Marcel Gauchet.

Employé pour la première fois pour désigner une revue, le terme Fluxus se propagea rapidement dans toutes les sphères de la « distraction » civile. Les artistes Fluxus ne se considéraient pas comme faisant partie d'un « mouvement», et donc d'un « carcan », mais davantage comme partisans d'une attitude. Une attitude qui place au centre de la démarche l'humour et la dérision. Polymorphe, Fluxus mêlait performances physiques, poétiques, littéraires, sculpturales,  cinématographiques et  musicales ; Fluxus fut le plus musical des mouvements artistiques d'avant-garde. Ces spécificités participent à la définition de Fluxus comme un non-mouvement  produisant de « l'anti-art ».
A la fois expérimental et visionnaire, Fluxus tend à s'ériger comme  un paradigme. Un paradigme des « Outsiders », pour reprendre l'étiquette d'Howard Becker, mais détenant une puissance de signification sociale bien supérieure à celle des « Insiders ». La période Fluxus c'est un peu la confrontation de la marge avec la norme.

Vilipendé et  largement ignoré de l’intelligentsia artistique de son époque,  l'exposition  qui lui a été dédiée au Walker Art Center, à Minneapolis en 1993 apparaît comme le point de départ d'une lente prise de conscience  du poids  déterminant de cette aventure artistique. Il ne faut pas s'attendre à voir une exposition traditionnelle. « The Spirit of Fluxus » mettait en scène des petits morceaux de vie, comme les petites boites à curiosité de George Brecht, les illustrations de Yoko Ono, les phrases devenues célèbres de l'artiste niçois Ben ou encore les nombreux « Events » assez caractéristiques  de l'ère Fluxus. L'indéterminisme, fondateur de cette forme d'art, tant décrié jadis apparaît comme la force posthume d'aujourd'hui.
Ainsi, le défi, lorsqu'on aborde Fluxus, est de résister à la tentation comparatiste. En effet, comparer ce non-mouvement à des courants davantage « rationalisés »,  comme le surréalisme, serait dénaturer son essence et nier son existence ;  l'exposition dans un musée apparaît déjà assez ironique comme ça.
L’esprit Fluxus semble détenir une postérité régénératrice, laissant parfois penser à l'intemporalité de cette attitude. Il ne nous reste plus, alors, qu'à « Follow Fluxus »...             
                                            
Claire Taddei